🧠L’histoire des virus informatiques : des origines à nos jours
Par Henry Jean – TUTOMAG, Le magazine de l’innovation et du numérique
Édition 2025
Introduction générale
L’histoire de l’informatique n’est pas seulement celle de la découverte et de l’innovation, mais aussi celle de la vulnérabilité. Depuis les premiers ordinateurs jusqu’aux réseaux mondiaux du XXIᵉ siècle, une autre forme de créativité s’est développée : celle des virus informatiques. Ces programmes capables d’altérer, de détruire ou de détourner le fonctionnement d’un système ont accompagné, parfois précédé, l’essor du numérique.
Loin d’être de simples curiosités techniques, les virus ont profondément influencé la conception de la sécurité informatique, façonné la naissance des antivirus, et redéfini la notion même de confiance numérique.
Chapitre 1 – Les origines : le concept de “virus” avant l’ère des PC
Bien avant que le grand public entende parler de virus informatiques, des chercheurs en informatique théorique exploraient déjà l’idée de programmes capables de se reproduire.
Dans les années 1940, John von Neumann, pionnier de l’informatique moderne, imagina le concept d’automate autoréplicateur — une machine capable de se copier elle-même. Ce concept purement théorique posa les bases intellectuelles de ce que deviendrait le virus informatique.
Au cours des années 1970, les premiers environnements informatiques partagés (comme ARPANET, ancêtre d’Internet) rendirent possibles des expériences de propagation logicielle. En 1971, le programme Creeper, créé par Bob Thomas, est souvent considéré comme le premier véritable virus. Il affichait le message :
“I’m the creeper, catch me if you can!”
et se déplaçait d’un ordinateur à un autre via le réseau ARPANET.
Peu après, Ray Tomlinson développa un programme pour le supprimer : Reaper, premier antivirus de l’histoire.
Chapitre 2 – Les années 1980 : la naissance du virus informatique moderne
L’avènement des ordinateurs personnels dans les années 1980 a ouvert la voie à une nouvelle ère. Les disquettes, principal support de stockage et d’échange, sont devenues le vecteur idéal pour la propagation de virus.
Le premier virus connu sur PC, Brain, apparut en 1986. Créé par deux frères pakistanais, Basit et Amjad Farooq Alvi, il infectait le secteur de démarrage des disquettes et affichait leurs coordonnées. Ce n’était pas un programme destructeur, mais un “prototype” de ce que serait la cybermenace à venir.
D’autres virus célèbres suivirent :
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Elk Cloner (1982), qui infectait les Apple II ;
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Cascade (1987), premier virus à utiliser une animation visuelle (des caractères tombant en cascade) ;
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Jerusalem (1987), qui supprimait des fichiers chaque vendredi 13.
Ces programmes n’étaient pas motivés par le profit mais par la curiosité, le défi ou la démonstration technique. Cependant, leurs effets pouvaient être désastreux pour les utilisateurs.
Chapitre 3 – Les années 1990 : l’explosion et la médiatisation
Avec la popularisation d’Internet et du courrier électronique, les virus sont passés à une nouvelle dimension.
Les disquettes furent remplacées par les e-mails et les téléchargements comme vecteurs de contamination. Le virus Michelangelo (1992) marqua les esprits en menaçant d’effacer les disques durs le 6 mars, jour de l’anniversaire du peintre italien.
Mais c’est ILOVEYOU (2000) qui allait déclencher une véritable panique mondiale. Envoyé sous forme de pièce jointe intitulée “Love letter for you”, il infecta plus de 50 millions d’ordinateurs en quelques jours, causant des milliards de dollars de pertes.
D’autres virus emblématiques :
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Melissa (1999), propagé par e-mail via Microsoft Word ;
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CIH / Chernobyl (1998), l’un des plus destructeurs, capable d’effacer la mémoire BIOS ;
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Happy99, qui marqua les débuts des virus attachés à des fichiers exécutables diffusés par Internet.
C’est durant cette période que les premiers antivirus commerciaux (Norton, McAfee, Panda, Kaspersky, etc.) devinrent indispensables.
Chapitre 4 – Les années 2000 : vers les attaques de masse et les vers autonomes
Les années 2000 virent émerger une nouvelle génération de programmes malveillants : les vers (worms), capables de se propager sans intervention humaine.
Des exemples tristement célèbres incluent :
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Code Red (2001), qui infectait les serveurs web Microsoft IIS ;
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Nimda (2001), qui combinait plusieurs modes de propagation ;
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Blaster (2003) et Sasser (2004), exploitant des failles Windows ;
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Mydoom (2004), qui devint l’un des plus rapides à se diffuser.
Cette décennie marqua le passage d’un cybervandalisme “amateur” à une cybercriminalité organisée.
Les motivations évoluèrent : espionnage, profit financier, sabotage industriel.
Les botnets (réseaux d’ordinateurs zombies) apparurent, permettant à des pirates de contrôler à distance des milliers de machines.
Chapitre 5 – L’ère des ransomwares et des attaques ciblées
À partir de 2010, les menaces prirent une tournure encore plus inquiétante.
Les ransomwares, ou logiciels de rançon, commencèrent à chiffrer les données des victimes pour exiger un paiement.
Des attaques comme CryptoLocker (2013), WannaCry (2017) ou Petya/NotPetya (2017) ont paralysé des hôpitaux, des entreprises et même des infrastructures publiques.
Le virus Stuxnet (découvert en 2010) révéla une autre facette : celle de la cyberguerre. Conçu pour saboter les centrifugeuses nucléaires iraniennes, il utilisait plusieurs failles “zero-day”. Il marqua l’entrée des États dans le domaine des virus offensifs.
Chapitre 6 – Les virus à l’ère du cloud et de l’intelligence artificielle
Aujourd’hui, les virus ne se limitent plus aux ordinateurs individuels.
Avec la généralisation du cloud computing, des objets connectés (IoT) et des intelligences artificielles, la surface d’attaque s’est étendue à l’ensemble de l’écosystème numérique.
Les virus modernes exploitent :
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les failles logicielles dans les services cloud,
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les API non sécurisées,
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les objets connectés domestiques, souvent mal protégés.
Certains virus utilisent déjà des techniques d’IA pour échapper à la détection, tandis que les antivirus adoptent l’apprentissage automatique (machine learning) pour anticiper les comportements malveillants.
Chapitre 7 – L’évolution des antivirus : une course sans fin
L’histoire des virus est indissociable de celle de leurs adversaires.
Les antivirus ont évolué d’outils simples de détection de signatures vers des solutions de sécurité intégrées :
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détection comportementale,
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analyse heuristique,
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protection cloud en temps réel,
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firewalls intégrés,
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antiphishing et anti-ransomware.
Aujourd’hui, les grandes suites de sécurité (Bitdefender, Kaspersky, Norton 360, ESET, etc.) intègrent des outils de sauvegarde, de contrôle parental, et même de VPN.
La tendance actuelle est à la cybersécurité prédictive, utilisant l’IA et les “threat intelligence networks” pour anticiper les futures menaces.
Chapitre 8 – De la menace individuelle à la sécurité collective
Les virus informatiques ne sont plus un simple problème technique : ils sont un enjeu de société.
Ils remettent en cause la confiance dans les systèmes numériques, la confidentialité des données et même la stabilité politique de certains États.
Les campagnes de désinformation, les attaques contre les hôpitaux, les intrusions dans les systèmes électoraux montrent que la cybersécurité est devenue un pilier de la souveraineté numérique.
Ainsi, la lutte contre les virus dépasse les antivirus : elle repose sur la coopération internationale, l’éducation numérique et la vigilance citoyenne.
Chapitre 9 – Les grandes épidémies numériques de l’histoire
| Année | Virus / Malware | Type | Impact estimé |
|---|---|---|---|
| 1986 | Brain | Boot sector | Premier virus PC |
| 1999 | Melissa | Macro-virus | >1 million d’ordinateurs |
| 2000 | ILOVEYOU | Ver | 10 milliards $ de dégâts |
| 2003 | Blaster | Ver | Pannes massives sur Windows |
| 2004 | Mydoom | Ver | Ralentissement mondial |
| 2010 | Stuxnet | Cyberarme | Sabotage nucléaire |
| 2017 | WannaCry | Ransomware | 230 000 systèmes infectés |
| 2020 | Emotet | Botnet | Campagnes de phishing massives |
Chapitre 10 – Conclusion : un combat permanent
De Creeper à WannaCry, des laboratoires universitaires aux cyberarmées, le virus informatique est devenu un symbole de la dualité du numérique : innovation et destruction, progrès et menace.
Mais chaque nouvelle attaque a également renforcé la résilience des défenseurs.
L’histoire des virus est celle d’un équilibre dynamique entre créateurs et protecteurs, où la vigilance, la connaissance et la coopération demeurent nos meilleures armes.
“Dans le monde numérique, la sécurité n’est pas un état, mais un processus permanent.”
— Henry Jean, TUTOMAG 2025